Les Banshees d’Inisherin souffle sur la salle une fable pastorale avec la légèreté d’un vent maigre qui serpente entre les murets en pierres. Tout commence sur une île isolée au large des côtes irlandaises, c’est à dire sur une immensité trempée de vert, grillagée de gris, ouverte sur le ciel bleu. Entre les mailles, des habitants comme des personnages de contes.
Dominic est l’idiot du village, Peadar le policier, Jonjo tient le bar et Mrs. O’Riordan l’épicerie. On s’ennuie dans cette petite société où les nouvelles valent plus cher que la monnaie. Dans ce théâtre de marionnettes comme dans les légendes, les rites sont éternels et le temps une boucle. Le pub à 2h et la messe se mêlent aux caprices cadencés de la Guerre Civile, le son du violon à celui des clochettes.
Martin McDonagh met en scène le mauvais sort et l’envoûtement dans ce film où les animaux ont l’étrangeté des romans de Giono et Mrs. McCormick la démarche des sorcières de Macbeth. Si la spécificité de Shakespeare est de faire du fou un rôle ambivalent, le visage de l’idiot est ici traversé par la petitesse de la naïveté et par la grandeur de l’âme.
Il y aurait beaucoup à écrire pour dire les jeux d’anticipation très travaillés et hautement symboliques (Dominic est repêché par le bâton de berger qu’il a trouvé au début du film), les références à la mythologie celtique irlandaise, et la richesse cinématographique de cette tragédie. Reste qu’on rigole un peu, puis plus du tout. La mélodie de ce conte est un sortilège, les Banshees d’Inisherin, un vrai chef d’œuvre.